Extrait
L'OMBRE DES TROIS PICS

Missive aux voyageurs gagnant les Terres d’Ilhyya
 

Hardi voyageur, toi qui pénètres en ces landes par choix, par sage conseil, par divine providence ou par erreur, je te conjure noble hôte de faire halte. Écoute les paroles d’un sage. Toi qui en cette heure franchis le portail menant aux neufs royaumes, saches qu’ici tu ne trouveras point d’elfes, de nains, de semi hommes, d’orcs, de trolls, de gobelins, ou encore de tous ces gens que d’autres plumes ont dépeints. Toi qui sur l’heure tiens entre tes mains la copie de l’un des ouvrages d’Ourobos, citadelle sacrée du peuple des hommes dragons, prends connaissance de la légende et de l’histoire qui dans ces livres te sera contée.
Saches que tu demeures à chaque instant sous la protection des dieux. Où que puisse te mener cette aventure au cœur de laquelle tu t’apprêtes à pénétrer tu seras reçu en ami et traité en hôte respectable et respecté. Mais trêve de palabres, revenons-en au sujet de ces grimoires.
L’Âge de Sang n’était encore dans la bouche des kadiyars, fils du Chaos, qu’une prophétie espérée, une longue légende qu’au fond de leurs cœurs ils désiraient plus encore que l’annihilation des huit piliers sacrés. Durant des centaines de lunes ils avaient vécu ainsi et dans le secret des ombres rouges il avait grandi, bourreau habile, prétentieux détenteur du pouvoir des oracles. Un jour il avait rompu le récit et dit qu’il mènerait l’avènement de l’Âge de Sang.
L’orgueil était pour les fils du Chaos une qualité honorée mais tout autant un faix qui souvent menait les hommes à la mort. S’inventer une destinée était espoir de fol enfant mais dans ses yeux brûlaient les feux noirs de la vengeance. Ils ignoraient l’origine de ces flammes et de ce courroux. Lorsque tous se rirent de lui le vieux conteur plongea son regard dans le sien et d’une parole lui donna la bénédiction de Nério, le dieu originel, le dieu du Chaos.
— Puisses tu nous apporter mille guerres et étendre nos terres bien au-delà de l’horizon. Que les esprits et les dieux même craignent ta lame.
Alors il plongea son regard dans celui de l’ancêtre et dans l’accolade fraternelle jaillit une dague qui lui transperça le cœur. Prestement il l’ôta. Dans le dernier souffle de vie il trancha la gorge du vieil homme, aux sources du sang s’abreuva. Puis il repoussa le cadavre, lacéra le ventre, ouvrit ses entrailles qu’il tâtait de ses mains nues. Son regard, empreint de folie, chassa ses pairs. La garde approchait, il demeurait enfiévré, riait, dément, sentait le chaos s’insinuer dans chaque fibre de son corps.
Lorsqu’il se releva son ombre dessinait deux loups marchant à ses côtés. Au delà de la porte ouverte, à la vue des bêtes ombreuses tous s’agenouillèrent. Un sourire sardonique déformait ses lèvres. Ainsi débuta sa quête, ainsi débuta sa marche de sang.
Ne crains, cher lecteur, ni ses lames ni aucun mal. Si tu le veux aider tournes ces pages et tu découvrira son œuvre. Si en ton cœur tu le veux détruite alors garde espérance car une telle destinée ne saurait s’accomplir sans épreuves et ses ennemis bientôt se lèveront.
À présent prends courage en ton cœur et franchit le portail du Temps. Rejoins sans tarder les terres de Prima Terrae où tu es attendu. Que les dieux d’Hélios t’accompagnent. Puisses-tu acquérir la sagesse des anciens et revenir en ces royaumes lors d’une autre errance. Fais bon voyage ! Que soit béni le jour où tu vins en ces lieux. Adieu. Que ta quête soit riche et longue !
 

Calypso, grande prêtresse d’Anabaa, déesse des Savoirs.